A quand la suppresion des DRM ?
Véritable arlesienne, la suppresion des DRM est maintes fois annoncée, jamais réalisée. En novembre 2007, les ayants-droit de la musique (et du cinéma), les fournisseurs d’accès à Internet et l’Etat ont annoncé vouloir introduire de nouvelles formes de contrôle afin d’endiguer le fléau du téléchargement illégal de la musique. Le rapport de la mission Olivennes, du nom du PDG de la Fnac, rendu public le 23 novembre 2007, préconise des sanctions graduées, allant jusqu’à la résiliation de l’abonnement de l’internaute en cas d’abus. En contrepartie, une énième annonce d’une levée, sous conditions, des DRMs.
Les DRMs (Digital Rights Management system), ces verrous de protection technique, permettent de définir de manière aussi complète que possible la totalité des usages autorisés ou interdits : droits de copie, de transfert, durée d’usage… Dans le domaine de la musique, les DRMs ont créé la polémique dès leur lancement, du fait de l’incompatibilité des verrous appliqués aux formats musicaux – FairPlay d’Apple et Windows Media de Microsoft – ou de la limitation des possibilités de transfert d’un terminal à un autre. Les annonces ou déclarations de principes (EMI, Apple…) visant à une suppression de ces verrous ont, pour l’instant, toutes été sans lendemain. Quant aux préconisations de la mission Olivennes, elles avancent une suppresion des DRMs uniquement pour les achats de musique en ligne et dans un délai d’un an « à compter du fonctionnement effectif du mécanisme d’avertissement et de sanction prévu par la loi ».
Les soubresauts de l’ancien régime (de distribution de la musique)
Les majors n’ont longtemps intégré le web, comme support de distribution de la musique, qu’en pensant à protéger, limiter, cloisonner leurs offres.
Cette logique répressive voire coercitive n’est ni plus ni moins celle qui anime les majors (Sony-BMG, Universal Music, Warner, EMI) depuis des années, face au constat de l’effondrement des ventes de disques. En effet, elles n’ont longtemps intégré le web, comme support de distribution de la musique, qu’en pensant à protéger, limiter, cloisonner leurs offres. Leur credo : protéger leur catalogue, tout en trouvant de nouvelles sources de rémunération (l'organisation de concerts, l’édition ou encore le management d’artistes). Cette volonté de maintenir un prix de vente élevé, même pour la forme dématérialisée de leur musique, se retrouve dans plusieurs modèles économiques développés sur le web.
Ne nous y trompons pas ! Les nouveaux acteurs (Apple, Fnac.com, Neuf Cégétel, pour ne citer que ceux-là), avec lesquels elles ont dû négocier, ne font que proposer des offres payantes ou limitées. Apple, leader sur le marché de la vente de musique en ligne, avec sa plate-forme payante de téléchargement – iTunes Store – n’a mis en place qu’une stratégie commerciale efficace, proposant d’acheter surtout les morceaux à l’unité et reposant sur une politique tarifaire de prix unique de 0,99 euros. De même, l’absence d’interopérabilité entre les standards des DRMs d’Apple et de Microsoft empêche l’écoute de ces morceaux sur la plupart des autres terminaux que ceux d’Apple (iPod).
Fnacmusic propose également un catalogue de musique complet mais ce dernier n’est accessible qu’en échange d’un abonnement mensuel de 10 euros par mois. De nouveaux entrants utilisent des stratégies plus pernicieuses, tel Neuf Cégétel, derrière une annonce d’accès illimité au catalogue audio d’Universal Music (compris dans l’abonnement en zone dégroupée). La plate-forme de téléchargement de musique Neuf Music est non seulement protégée par le DRMs Windows Media de Microsoft ; le choix est restreint à un seul et unique genre musical parmi les neufs proposés par le site ; chaque morceau ne peut être transféré que sur trois terminaux maximum (ordinateurs ou baladeurs qui doivent être compatibles avec ce DRMs) mais surtout l’écoute, de morceaux pourtant téléchargés, devient impossible si l’usager ne renouvelle pas son abonnement. Surprise !
Le succès des plates-formes de musique en ligne, légale et gratuite (du type deezer)
Aujourd’hui des plates-formes gratuites d’écoute en ligne ou de téléchargement existent. Leur succès repose principalement sur l’offre de nouvelles fonctionnalités et surtout sur la confiance.
Les plates-formes d'écoute en ligne telles que Deezer proposent une vraie évolution. Elles ont fait des paris concernant à la fois les modèles économiques sur lesquels elles reposent, mais surtout en proposant de nouvelles fonctionnalités aux internautes.
Deezer – issu de BlogMusik (lancé fin août 2007) a fait le pari de la musique gratuite financée indirectement par la publicité. Cette plate-forme est partie du constat que certains internautes ne paieront jamais pour de la musique en ligne. Il fallait donc la monétiser différemment. Cette nouvelle forme de radio en ligne permet l’écoute de morceaux issus d’un vaste catalogue ; la publication sur le site des mp3 personnels de l’internaute après vérification et le partage ouvert à l’ensemble de la communauté. Légale, cette plate-forme a négocié avec la SACEM et les ayant droits les modalités d’une rémunération, au titre des droits d’auteur (contrairement à Radio.blog.club qui a dû se délocaliser suite à la fermeture de ses serveurs en mars dernier). Deezer permet aussi de constituer ses propres playlists et d’exporter ses morceaux préférés sur son site ou son blog. Des suggestions sont faites – comme le font déjà Last.fm ou Pandora aux Etats-Unis. Progressivement, cette fonction de « recommandation musicale » permet d’affiner les propositions aux goûts de l’internaute. Ce modèle a le vent en poupe puisque d’autres web radio personnalisable pointent déjà leur nez comme RKST.org, la petite nouvelle française. Seule limite, qui reste de taille, dans une logique d’écoute en mobilité, il n’est pas possible de télécharger les morceaux.
La musique en ligne n'est pas qu'une affaire de gros (artistes, maisons de disques...)
La première version de mon article ne traitait que des majors et des plates-formes qui négocient les catalogues qu'elles diffusent avec les majors. En effet, les plates-formes de musique gratuties construisent leur succès, à partir de l'offre de catalogues des majors. Mais d'autres sources de musique gratuite existent.
"Kaptain Fabou" m'avait fait remarquer l'existence de labels indépendants, rassemblés dans un site comme cd1d.com. Cd1d.com est une plate-forme de distribution alternative en ligne (cd, dvd, vinyl, cassette, livre, mp3, flac). Plate-forme de vente en ligne équitable, du producteur à l'auditeur, elle rassemble 53 labels, plus de 500 artistes, près de 1000 disques et 7000 titres à télécharger. Ce projet est conduit entre autres, par Jarring Effects, bien connu sur la scène lyonnaise. Vous trouverez en bas de la page "qui sommes nous ?" des données chiffrées intéressantes. On apprend qu'en achetant sur cd1d.com, le label reçoit 85% du prix de vente du disque alors qu'il n'en reçoit que 40% dans le circuit classique. Ce n'est pas gratuit mais équitable.
La musique en ligne est un bien collectif par nature
Ces modèles, s’ils réussissent, montreront que la gratuité et le marché peuvent être compatibles sans se détruire.
Le développement des usages, liés en partie aux fonctionnalités présentées précédemment, renforce la nature de bien collectif de la musique en ligne. Bien privé (lié à la possession d’un support physique), la musique tend de plus en plus à devenir un bien principalement collectif, à l’image de l’ensemble des biens informationnels dans l’ère du numérique. Ainsi, la musique en ligne permet de nouvelles formes de partage et de nouvelles pratiques de discussion autour de ses goûts musicaux. L’aspect communautaire du web se marie parfaitement avec les pratiques déjà anciennes d’échange de musique. Aujourd’hui, il est possible à chacun d’entre nous d’animer sa propre radio et d’établir des liens avec ses auditeurs. Le principe d’une radio sur mesure n'a jamais été aussi crédible qu’avec ces nouveaux sites. Pourtant, les fonctionnalités proposées ne donneront pas forcément lieu au développement d’usages sociaux car on ne peut savoir aujourd’hui quels seront les usages qui demain caractériseront les modes d’écoute de la musique en ligne. Les enjeux sociétaux sont eux énormes. Ces modèles, s’ils réussissent, montreront que la gratuité et le marché peuvent être compatibles sans se détruire. De même, la diversité des contenus peut être préservée face aux risques d’homogénéisation des contenus, formatés pour être vendus à l’unité.
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